Ma bulle d'oxygène

Ma bulle d'oxygène

La première fois qu'il a chanté comme ça

« La première fois qu’il a chanté comme ça c’était là-bas ». Il était parti loin de chez lui pour essayer de construire sa vie. Ou plutôt de la reconstruire. Des années de galère à ne pas savoir comment changer, aller de l’avant. Sans souffrance.

Il avait choisi la solution du voyage. Pas pour le tourisme. Juste pour voir le monde, du monde. Vivre un ailleurs. Hors de cette région qu’il ne supportait plus. De cette vie stressante où tout est lié à la productivité, à la rentabilité. Toujours plus. Toujours et encore plus. Ce n’était pas sa mentalité. Il refusait de vivre dans ce contexte. Alors il est parti.

Première étape. Les Cévennes. Les grands espaces, la campagne, le calme. Il s’est posé dans un gite de randonnée. Il a repris goût à la vie au contact des gens du village. Timidement. Par petites touches. Les quelques commerçants de la bourgade ont vite repéré qu’il n’était pas du coin. Son accent, sa façon d’être. Puis il s’est intéressé à la vie de cette commune, ses marchés, ses fêtes, ses associations. Il a découvert des lieux magnifiques, a parcouru des dizaines de kilomètres avec des randonneurs puis un jour au fil d’une conversation il s’est dit pourquoi pas ! Pourquoi pas chanter, pourquoi ne pas extérioriser toutes ces émotions qui le rongent depuis tant d’années et sur lesquelles il ne mettait pas de nom, il n’en comprenait pas les causes.

Alors un vendredi, au lendemain d’une balade à travers ces grands espaces, il a rejoint quelques-uns de ces complices dans la salle communale. Il s’est d’abord installé sur le côté, puis a rejoint le groupe. Le chef de cœur a testé sa voix, l’a invité à se placer avec les chanteurs puis lui a offert une partition. Et là, il s’est laissé porter par le chœur sur une chanson de Jean Jacques Goldman « à nos actes manqués ». Au départ, on voyait seulement ses lèvres bouger, puis au fil des paroles, il chantait de plus en plus fort. Il évacuait ses tensions, ses émotions. Qu’importe si la note n’était pas juste, personne ne l’a interrompu. Ses nouveaux complices l’ont soutenu jusqu’au dernier mot de la chanson. Il n’avait jamais chanté comme cela, ignorant qu’il en avait la capacité et pas attiré par ce genre d’activité. Depuis il y retourne toutes les semaines. Heureux de pouvoir retrouver de nouveaux amis, de pratiquer un loisir qui lui permette de se ressourcer.

Il a passé plusieurs mois là-bas avant de rentrer chez lui, dans sa famille. Mais c’était pour annoncer son départ, son déménagement pour cette région, ce village qui l’avait accueilli. Il avait trouvé un appartement, un travail, un univers qui lui plaisait. Sa voie était tracée. Il leur a également annoncé que son groupe donnait une représentation. Ses proches ont loué un gîte à cette occasion pour l’écouter et découvrir son nouveau lieu de vie.

Lorsque le concert a commencé, l’émotion était à son comble dans les rangs. Une heure plus tard, la chorale a entamé une chanson chère au cœur de cet homme. Il a commencé par la dédier au banc réservé à sa famille puis les premières notes de musique, les premières paroles ont réveillé des souvenirs. La chanson de Goldman avait été chantée lors d’un anniversaire l’année précédente et elle résonnait très fort encore. Pour lui c’était l’hymne du renouveau. Ses amis ont confirmé à sa famille qu’il n’avait jamais chanté comme cela depuis ce jour où il était venu pour la première fois à la chorale. Il en avait les larmes aux yeux lorsque la chanson fut terminée.

Quelques jours plus tard, sa famille repartait. Emue certes mais convaincue de laisser sur place un homme heureux, épanoui.

 

 

 

 



13/03/2014
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