J'ai la mémoire qui flanche ...
"J'ai la mémoire qui flanche, j'm souviens plus très
bien" si c'était un mardi ou un vendredi. J'avais posé mon rouge à lèvres rose
fuschia à côté pour être sûre d'y penser. Et puis, ce jour là, plus rien. Je ne
savais plus ou était passée ma clé USB. Je savais que je voulais profiter de ma
pause-déjeuner pour travailler sur certains documents. Toute mon âme était dans
cette clé. Des photos, des noms, des anecdotes liées à mes amis, ma famille,
mon passé, le leur.
Bien sûr, j'avais encore tout cela dans mon
ordinateur, la fameuse mémoire portable, mais ce jour là, je devais finaliser
mon projet avant de l'adresser à un panel d'éditeurs potentiels en fin de
semaine. Il était 7 h 15. Je devais partir vingt minutes plus tard pour ne
pas rester bloquée dans les embouteillages et arriver autrement qu'en retard.
Les chantiers implantés ici et là dans les communes que je traverse tous les
matins entraînent des délais d'acheminement de plus en plus longs. Ce n'était
vraiment pas le jour. Pas le temps d'allumer le pc portable, de trouver une
éventuelle clé qui pour une fois ne serait pas rangée…
Songe d'une journée d'été qui semblait mal
commencer. Je me posais, respirais profondément et réfléchissais aux endroits où
j'avais pu poser ce fameux sésame. Elle devrait pourtant se voir. Elle est
rouge et rattachée à un cordon.
L’agence m'avait confié une clé la semaine
précédente, mais elle était noire et n'était pas sortie des murs. Dans la
chambre d'amis, je ne pense pas qu'elle puisse y être. Je n'y suis pas allée
depuis plusieurs jours et je n'y ai pas travaillé non plus depuis longtemps. La
place était prise par des piles de linge. Mon bureau, celui où j’écris,
travaille, celui où je range mes classeurs d'écrits depuis 2001. Là où se transportent
mes émotions d'un pc portable à un disque dur externe puis à une imprimante,
haut lieu de culture où sont entreposés mes dictionnaires Là non plus. Le temps
presse. Mais ou est cette clé. Je n'ai pas pu l'égarer depuis dimanche,
d'autant que je n'ai pas travaillé depuis. J'étais souffrante, ma nuque bloquée
par un méchant courant d'air. Naturel, me direz-vous, lorsque l'on sort le soir
sans se protéger le cou. J'ai néanmoins échappé au mal de gorge.
Mais revenons au principal. Ma mémoire et ma clé.
Ou l'ais-je donc mise ? Mon penchant à laisser « traîner » mes
affaires sur une unique pile de dossiers devrait pourtant m'aider à la
retrouver. Il n'y a rien d'autre à moi sur cette étagère, ni sur les meubles
alentour. Un p'tit tour dans la cuisine, on ne sait jamais, dans mon tiroir.
Mais je ne vois pas ce qu'elle y ferait. L'heure tourne. Tant pis je
travaillerais ce soir sur mon ordinateur et copierais le tout sur une clé USB
dont l’aspect brillant sera peut être une chance de ne pas être égarée.
Je file me donner un dernier coup de peigne, enfile
ma veste longue noire qui était sur un porte-manteau dans la penderie. Et là,
histoire à dormir debout, je découvre ma clé USB pendue à son lien au cintre.
Mais quelle idée m'est passée par la tête ce jour là ! C'est certain je ne
devais pas la louper si je décider de porter cette veste, mais comment
aurais-je pu deviner que j'aurais porté ce vêtement le jour où j'aurais décidé
de travailler au bureau. Surtout que la météo était beaucoup plus fraîche que
d'habitude et que je ne porte cette tenue qu'aux premiers frimas matinaux, en
septembre …. Je devais avoir la tête ailleurs ce je jour là. Penser à ce
vêtement en laine fin juin … Drôle de moyen de se rappeler où est un objet
important. J'vous l'dit, j'ai la mémoire qui flanche, j’me souviens plus très
bien ….