Ma bulle d'oxygène

Ma bulle d'oxygène

Le vide autour de PERSONNE

 

Le vide autour de PERSONNE, cet homme qui ne dévoilait pas son identité, créait une ambiance particulière. Il n'était pourtant pas du style à faire fuir les gens. Ni insulte, ni agression de sa part. Il avait apposé au sol à côté de lui, un panonceau en carton sur lequel on pouvait lire "mon nom est Personne. Ne pas me déranger, merci". Il était assis là, face à la mer. Un crayon ou plutôt un stylo dans une main, un bloc de papier dans l'autre. Cela faisait des heures qu'il était là et ce n'était pas non plus la première fois qu'il vidait son stylo. Il avait apparemment déjà noirci des pages entières de mots, de phrases.

 

Une femme était passée près de lui ce matin mais comme elle ne parlait pas notre langue, elle ne comprit pas pourquoi il lui faisait signe de s'éloigner et lui montrait son bout de carton aux caractères rouges. Au café où elle se rendit plus tard pour observer la mer d'une terrasse, elle expliqua avec ses mains et ses mots extraits d'un petit dictionnaire la réaction de l'homme bizarre. Un des clients, bilingue fit la traduction et nous expliqua aussi que cet homme s'appelait PERSONNE.

 PERSONNE contemple l'horizon tous les jours depuis un mois, depuis que sa femme et ses enfants ont chaviré à des miles d'ici en voilier. Il leur écrit tous les jours dans l'espoir qu'un jour ils puissent lire tout ce qu'il ressentait depuis leur disparition, tous les remords qu'il avait d'avoir préféré rester encore une fois au bureau un samedi, ce samedi, au lieu de revenir comme il leur avait promis à 14 heures, à l'heure du départ du ferry pour Belle Ile et passer enfin un week end tous les quatre pour les 18 et 20 ans de leurs fils, une date très importante. Déçus de passer encore et toujours après l'ambition de leur père, de son époux, ils avaient embarqué sur leur voilier familial pour une croisière dans les îles du Golfe de Morbihan.

Le lendemain, le quatamaran avait été repéré par un navire, la coque à l'envers.

 

Rongé par le chagrin, il restait là, figé. PERSONNE n'aurait bientôt plus rien pour écrire à force de mordre son stylo.

Val



26/02/2012
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