Ma bulle d'oxygène

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Vie de femme

Vie de femme

   

Bérénice est née en août 1900, le 15 août plus précisément. C'est la cinquième fille de cette famille d'agriculteurs de Quimper. La p'tite dernière que son père, pourtant en adoration devant elle, aurait préféré voir naître garçon pour la succession de la ferme.

 

Cet homme, si réservé, si bourru avec autrui, n'avait d'yeux que pour sa Bérénice, au grand dam de ses autres filles. Il ne voyait que ses bons côtés, n'acceptait pas les réflexions de sa femme lorsque la p'tite pleurait trop longtemps ou ne prenait pas le sein suffisamment pour la laisser vaquer à d'autres tâches domestiques

 

Pour la surveillance du berceau, les quatre aînées faisaient l'affaire comme le disait la mère. Elles s'occupaient de la petite pour tout, sauf l'allaitement bien sûr. La sœur aînée regrettait sincèrement que ses parents aient d'autres enfants car elle passait beaucoup trop de temps à surveiller ses cadettes.

 

Les années passèrent et Bérénice présenta des facilités pour lire, écrire, compter, c'est son père qui lui avait appris, il avait eu son certificat d'études. Elle fut conduite à l'Ecole des Sœurs pour parfaire ses connaissances et des cinq filles, ce fut la seule qui présenta un quelconque intérêt pour les études. Très vite, elle se mis en tête de posséder un magasin. Mais ses parents, modestes agriculteurs, n'étaient malheureusement pas assez riche pour lui offrir son rêve.

 

Et puis, la guerre a commencé. Le père est parti sur le front. Juste avant, il fit un geste symbolique. Son ami d'enfance, photographe, immortalisa ses cinq filles sur une photo qu'il emmena avec lui.

 

Un soir d'été de l'année 1918, alors qu'il discutait avec des compagnons d'arme et évoquait avec eux sa famille, il montra cette photo. Un jeune soldat, Pierrick, tomba instantanément fou amoureux de la jeune Bérénice. Le hasard, merveilleux hasard, fit qu'il était également quimpérois et surtout qu'il était boucher de formation.

 

Le père envoya une lettre à sa femme pour qu'elle prévoit la rencontre des jeunes lors de leur prochaine libération.

 

Il maria sa jeune Bérénice 6 mois plus tard et le jeune couple reprit la boucherie familiale située Avenue du Moulin Vert dans un quartier de Quimper.

 

En 1920, une première naissance illumina leur vie, c'était une fille qu'ils appelèrent Marie.

 

En 1923, un garçon prénommé Jean suivit ; il s'engagea dans la marine dès qu'il eut atteint l'âge minimum requis à l'époque.

 

Ensuite des jumeaux, Loïc et Corentin, vinrent au monde en 1928 puis, plus tard une fille Jeanne, en 1934.

 

Bérénice et son époux vécurent très vieux, jusqu'à 95 ans dont 75 ans de vie commune. Ils n'ont jamais bougé de leur Bretagne natale mais ont visité toute la côte bretonne du Morbihan au Côtes d'Armor. Leur vie fut consacrée à leur famille, 14 petits enfants étant venus élargir le cercle familial et à leur commerce.

 

Ils reçurent de nombreux prix qui récompensèrent la qualité de la viande et l'innovation dont ils firent preuve après 1950. Les temps étaient alors difficiles et ils donnaient de précieux conseils aux femmes pour cuisiner « économique« . Cette initiative fit couler de l'encre à l'époque, la boucherie « chez Bérénice » et l'audace de ses propriétaires fit plusieurs fois la une du journal Ouest France.

 

Seule Bérénice s'occupait de l'exposition des pièces de viande dans les vitrines réfrigérées, glissant ça et là des brins de persil. Sa boutique était très accueillante et les clientes étaient toujours reçus avec un grand sourire, un mot aimable. C'était un vrai plaisir que d'y pénétrer. Son époux s'occupaient du choix de la bête et de la découpe des morceaux de viande.

 

Lorsque leurs enfants furent en âge de les aider, trois d'entre eux eurent envie de continuer le chemin ouvert par leurs parents. Ils apprirent donc le même métier et depuis Loïc et Corentin tiennent une des meilleures boucherie de Quimper. Jeanne est propriétaire d'une boutique de renommée nationale dans cette spécialité au centre de la cité quimpéroise. Marie acheta également une boucherie avec son époux , mais celui-ci atteint d'une grave maladie, la laissa, seule à 39 ans avec trois filles et elle fut obligée de vendre le commerce

 

La concurrence n'a jamais été synonyme de discorde familiale et tous sont restés soudés autour de Bérénice lorsqu'elle se retrouva veuve en 1994. Elle ne resta pas seule très longtemps. Le chagrin la consuma à petit feu et en ce 15 août de l'année 1995, tira sa révérence à la vie.

 

 

 

 

 

Valérie

13 OCTOBRE 2005

 



08/02/2009
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