Au fil des mots
Un à un, Adèle Stinggie aligne les mots. Les uns après les autres, elle les écrit au fil de son inspiration. Elle créée une phrase, un paragraphe, une page, puis deux, trois, quatre. Une pause, elle apporte sa bouilloire, un sachet de thé et sa tasse préférée pour plus tard. Très organisée, lorsqu’elle en ressentira le besoin ou l’envie, elle aura seulement à appuyer sur un bouton pour faire chauffer son eau tout en continuant à écrire. Elle prend le temps de relire son texte, l’enregistre et reprend son histoire, affine son récit, redessine ses personnages, imagine un lieu, initie des rencontres. Elle s’accorde une nouvelle fois la permission de décrocher son regard de la toile. La liste de musiques qui la berce et l’accompagne depuis la première ligne est très étudiée, des titres et des interprètes judicieusement sélectionnés. Les quatre heures programmées sont passées. Elle relance le programme et réalise qu’elle vient de noircir sa dixième page sans savoir où va la mener cette nouvelle. Pourquoi le doute vient-il s’immiscer maintenant, précisément à la 11ème page ?
C’est toujours la même chose, chaque fois qu’elle écrit sur un sujet qui l’inspire. Elle se demande souvent comment elle a pu en écrire autant en si peu de temps. Elle a la sensation de ne pas pouvoir se séparer de son personnage principal comme si elle se transposer elle-même dans une autre dimension, un autre cadre et qu’elle voulait y rester. Adèle aime créer des personnes qu’elle souhaiterait « côtoyer », les faire vivre d’autres vies que la sienne, en d’autres lieux.
Hasard ou non, il se passe toujours quelque chose à la fin de la dixième page. Un doute, un questionnement, que sais-je encore, A moins que ce soit un signe d’essoufflement de l’histoire ? Peut-être que la page 11 est un obstacle infranchissable pour cette « écrivant » débutante? Le signe d’une capacité à poursuivre ou non l’aventure. Elle se souvient d’un conseil qui consistait à laisser reposer quelques jours le texte et d’y revenir plus tard. Elle l’avait déjà suivi et il est vrai que l’histoire en question avait franchi le cap de cette maudite 11ème page avec un nouvel élan pour ces personnages et un final digne de ce nom.
Elle va partir quelques jours. A son retour, l’inspiration la mènera peut être à terminer sa nouvelle.